11:15 13th Nov 2004 Directeur Intellfrance La traque des terroristes passe par le Pôle Nord La traque des terroristes passe par le Pôle Nord Par Stéphanie PERTUISET ALERT (Canada), 13 nov (AFP) © 2004 AFP Perché sur le sommet de l'hémisphère nord, dans le silence du désert arctique, un petit poste militaire canadien espionne en secret les communications d'une bonne moitié du globe, avec pour mission de traquer les terroristes. "De mon bureau, j'ai la plus belle vue de la station, mais malheureusement vous ne la verrez pas", lance le sergent Scott Whittingham. Ce n'est pas parce que la base au nom prédestinée d'Alert, à 817 km du Pôle Nord géographique, est plongée dans cinq mois de nuit polaire. C'est parce que l'accès à ce panorama, paraît-il imprenable sur le littoral congelé de l'océan Arctique, est barré par une porte avec un avis de "zone de haute sécurité". La "salle des opérations", le centre nerveux d'Alert ou plutôt ses grandes oreilles, se trouve derrière. Seule une poignée des quelque 70 militaires postés dans l'extrême Nord disposent des codes de sécurité pour y pénétrer. "Alert est une position très stratégique et le restera", estime le sergent Whittingham, chef des "opérations". Avec les antennes, dont est truffée la petite base, "on peut couvrir tout le spectre de fréquences", explique-t-il. La station a, selon lui, la capacité d'intercepter les communications dans tout l'hémisphère nord. De l'Afghanistan à la Corée du Nord, en passant par la Russie et la Chine. A une époque dominée par la menace terroriste, "on écoute ce genre de choses", souligne le sous-officier. Mais ni lui, ni même le chef de la base, le commandant Chris Dannehl, ne connaissent la nature exacte des renseignements captés. Car les sept techniciens qui travaillent aux "opérations" ont pour tâche d'entretrenir les machines. Les informations sont transmises et analysées directement au Leitrim, principale base d'écoute au Canada, située en banlieue d'Ottawa, plus de 4.000 km au sud. Dans la capitale canadienne, les hauts responsables de la Défense n'aiment guerre évoquer l'intérêt de cette petite base qui est partie intégrante du NORAD, l'organisation chargée de défendre l'espace aérien de l'Amérique du Nord. "Alert joue un rôle important, pour ce qui est de la collecte de renseignements de communication et de la localisation géographique", se limite à dire le colonel David Neasmith, qui commande le groupe d'opérations des informations des Forces canadiennes. Ses renseignements servent aussi aux alliés du Canada. Alert fait partie du vaste réseau international d'espionnage Echelon, découlant du pacte secret signé en 1947 par les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, et trois pays du Commonwealth, l'Australie, la Nouvelle-Zélande et le Canada. Par cette alliance, ces cinq pays se partageaient la surveillance des télécommunications du monde et mettaient en commun leurs renseignements. Le réseau continue sa collaboration malgré les plaintes de l'Union européenne qui accusait les Etats-Unis de s'en servir à des fins d'espionnage industriel. Les activités d'écoute dans l'Arctique ont commencé dans les années 1950, quand les militaires canadiens et américains se sont intéressés à ce qui n'était qu'un laboratoire scientifique. Pendant la guerre froide, "Alert était l'un des postes aux premières lignes de la défense de l'Amérique du Nord", affirme Michel Juneau-Katsuya, ancien membre des services secrets devenu consultant en sécurité. Alert était munie de radars pour détecter rapidement toute attaque potentielle de l'Union soviétique, assure-t-il. Aujourd'hui, les histoires d'ennemi rouge pointant ses missiles de l'autre côté du pôle et envoyant ses sous-marins sous la banquise ne hantent plus Alert. Mais selon M. Juneau-Katsuya, si le Canada décide de participer au projet de bouclier antimissile cher au président américain George W. Bush, Alert pourrait reprendre du galon.